La charge mentale n’est pas le problème

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7h55.
Vous finissez juste votre petit-déjeuner, les enfants somnolent encore à moitié devant leur bol de chocolat mais se chamaillent déjà pour la dernière chocolatine (oui c’est comme ça qu’on dit !). La table est encore pleine : mie de pain, tablette, biscottes, beurre, confiture, thé, serviette … et votre première visio démarre dans 5 mn !

Que faites vous ?

Vous rangez tout – rapido – quitte à avoir quelques minutes de retard ou vous laissez tomber votre pulsion d’ordre et acceptez de ranger plus tard, en milieu de matinée, après votre appel ?

Les changements d’attitude démarrent toujours par de micro-transformations que nous parvenons à faire au prix d’un petit inconfort. 

L’injonction d’une maison bien tenue est un exemple simple, quotidien, d’une exigence que nous pouvons nous créer. Est-ce un « j’aime ranger ma maison » ou un « je dois ranger ma maison » ou encore un « il faut que ma maison soit rangée » ? 

L’énergie de ces trois formulations est très différente. Les deux dernières génèrent une pression exogène, cette injonction apprise (culture, environnement, éducation, normes sociales), intégrée dans le comportement.

La charge mentale, c’est nouveau ?

Dans le cadre d’un café visio de @Digital113, j’ai eu l’opportunité d’animer un atelier sur la charge mentale dans le cadre du télétravail, et sur la nécessité de déconnexion numérique. La charge mentale n’est pas une notion scientifique à proprement parler même si les sociologues, psychologues, psychiatres ont pu l’étudier depuis une quarantaine d’années (Haicault, 1984). 

Cette notion déboule pourtant dans le paysage en 2017, lorsque la dessinatrice Emma publie la bande dessinée « Fallait demander » qui fait mouche, avec en particulier la planche suivante (1):

Emma popularise un certain type de charge mentale ; la charge mentale ménagère, et met le doigt sur la répartition inéquitable des responsabilités dans le couple.

Qu’est-ce que la charge mentale ? 

Dans la mesure ou même Wikipedia n’en donne pas de définition, je vous propose la mienne 😉 : il s’agirait de la pression psychologique liée à la coordination des différentes responsabilités d’une personne.

Charge mentale : pression psychologique liée à la coordination de différentes responsabilités

Une responsabilité, qu’elle soit personnelle ou professionnelle, nous donne un rôle à jouer, des actions à mener en nous appuyant sur des ressources (matérielles, compétences, relationnelles…) et en tenant compte de contraintes (espace, disponibilité de personnes). Ceci nous conduit à organiser ces éléments dans le temps pour aller vers le but recherché. Exemple : récupérer mon fils à l’école à 18h30, en sortant du travail, en voiture, avant de passer au pressing.

Pour gérer mes responsabilités – et ma charge mentale – je dispose de 3 variables :

  • mes capacités cognitives : Savoirs, savoir-faire. Je mobilise ces capacités en fonction de la quantité et de la complexité des tâches. Ces capacités me permettent de faire face à ma charge cognitive, terme scientifique plus précis que l’on confond souvent avec la charge mentale
  • mes capacités émotionnelles : savoir-être, gestion des émotions, motivations. Cela dépend de mon état émotionnel et des enjeux liés à la situation.
  • mes capacités d’action et de mise en œuvre : temps, ressources disponibles, …

Pour assumer ma responsabilité, je cherche à équilibrer ces variables en modérant l’effort fourni.

A chaque responsabilité est associé un niveau de charge mentale, et ça c’est normal. 

Par exemple, acheter des croquettes pour mon chien génère une charge qui ne pose pas de problème si j’ai du temps, un petit budget et des magasins à proximité.

Ça, c’est la théorie.
La réalité, c’est que nous cumulons souvent de nombreuses responsabilités : parents de …, conjoint.e de…, enfants de…, voisin…, professionnel de…, membre de l’association…, du collectif …, utilisateur de …. Ça coince quand toutes ces responsabilités doivent se coordonner dans une journée qui, elle, est incompressible.

Mes responsabilités se transforment en charge mentale lorsque les 3 variables se contractent : une plus grande quantité de tâches, une complexité plus élevée, un état émotionnel plus fragile, une motivation en berne, des enjeux plus hauts, un temps réduit ou des ressources plus limitées : aller chercher le fiston alors que mon chef me demande de finir un dossier, la voiture n’a presque plus d’essence, le conjoint en déplacement professionnel et le pressing qui ferme à 17h ce jour.

Le problème; c’est la SURcharge mentale

Selon l’étude publiée par Malakoff-Humanis le 6 mai 2020 (2), 27 % des travailleurs confinés en télétravail constatent une détérioration de leur condition physique, 30 % se plaignent d’une détérioration de leur santé psychologique. Parmi ces derniers, 39% ont du mal à articuler vie professionnelle et personnelle, et 28% estiment que leur charge mentale a évolué. Ce constat n’est pas surprenant. En effet, selon les critères évoqués précédemment, le confinement et le télétravail ont fait varier nos 3 composantes :

  • Une charge cognitive plus importante : incertitudes, manque de visibilité, nécessité de s’adapter à ce changement brutal
  • une charge émotionnelle accrue : anxiété pour soi, pour les siens, face à la situation économique
  • des moyens d’action réduits : communication réduite, problèmes de connexion, inadaptation et confusion des espaces pro et perso, interruptions fréquentes …
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Cette pression exercée par la variation de ces 3 paramètres déclenche souvent du stress qui se manifeste sous la forme d’absence, désengagement (fuite), critique, agressivité, irritabilité (lutte), découragement, abattement (inhibition). Cette réaction biologique est naturelle, car le cerveau n’aime pas le changement, d’autant plus s’il est imposé et brutal. Le mode mental automatique, soit 90% de notre fonctionnement quotidien, préfère la routine, le confort du connu. Ce mode mental consomme peu d’énergie, c’est là son intérêt. Mais il est limité par l’empan mnésique : notre capacité à maintenir en mémoire de travail des informations en parallèle. Il varie de 6 à 8 informations.

Le mode mental automatique est limité par l’empan mnésique, soit 6 à 8 informations au maximum, maintenues en mémoire de travail

Anticiper les repas, gérer l’école à la maison des enfants, les contraintes sanitaires, les interruptions fréquentes dans des lieux confinés, essayer de comprendre si le Pr Raoult est un génie ou un hurluberlu, si l’on dispose de la bonne version d’attestation pour sortir… voilà la recette pour saturer le mode mental automatique qui se cantonne à traiter la routine. 

Dans le contexte déclenché par le Covid, il nous a fallu nous adapter rapidement, et donc basculer à chaque moment en mode mental adaptatif. C’est le mode de l’apprentissage, du traitement de l’inconnu, du complexe. Un mode gourmand en énergie. L’Approche Neurocognitive et Comportementale (ANC de l’Institut de Neurocognitivisme) détaille parfaitement ces modes de fonctionnement du cerveau (3).

Le stress vécu lorsque la charge mentale est trop importante vient justement de la difficulté à basculer du mode automatique – rigide, procédurier mais très efficace – au mode adaptatif, apte à faire face à la nouveauté. L’ANC propose de nombreuses techniques pour basculer vers le mode Adaptatif. L’intérêt est de faire baisser la pression dans un premier temps pour ensuite pouvoir envisager la situation avec plus de sérénité et de pertinence.

Et vous, votre charge mentale a-t-elle évolué durant le confinement ? Participez au sondage (4)

Et comment faites vous pour l’alléger ?

Les références citées dans l’article :
(1) – Emma – Fallait demander – https://emmaclit.com/2017/05/09/repartition-des-taches-hommes-femmes/
(2) – Etude Malakoff Humanis télétravail et confinement – https://newsroom.malakoffhumanis.com/assets/communique-barometre-teletravail-en-confinement-2020-c55c-63a59.html?lang=fr
(3) – Approche neurocognitive et comportementale – https://www.neurocognitivism.fr/
(4) – Sondage sur la charge mentale en télétravail (Mars-Avril 2020) – https://www.linkedin.com/posts/michelabitteboul_chargementale-daezconnexion-sciencescognitives-activity-6673613284798795776-vZUu

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